In CFP | AAC, Uncategorized

Appel à articles pour un numéro spécial sur les nouvelles frontières de la relation d’emploi

Éditeurs invités :

Yanick Noiseux, Département de sociologie, Université de Montréal

Christian Papinot, Département de sociologie, Université de Poitiers

Guylaine Vallée, École des relations industrielles, Université de Montréal

De manière croissante, le travail contemporain s’effectue, non plus dans le cadre de la relation d’emploi classique entre un salarié et un employeur, mais au sein de nouvelles configurations organisationnelles impliquant le recours à la sous-traitance, au travail en intérim (obtenu par l’entremise d’une agence de placement) et au travail indépendant, qui transforment les rapports sociaux du travail et de l’emploi. Toutes dérivées de l’externalisation, ces modalités de mise au travail ont en commun de mettre en relations diverses catégories de travailleurs avec des entreprises clientes qui, sans avoir à leur égard le statut juridique et les responsabilités d’employeur, exercent néanmoins un contrôle sur le contenu et les conditions de leur travail.

Ces configurations organisationnelles ont pour effet de modifier la relation d’emploi « classique » qui, telle qu’elle s’est consolidée dans la deuxième moitié du 20e caractérisée par un échange entre acceptation d’une subordination préalablement définie et circonscrite et assurance d’un filet de sécurité fondé sur les mécanismes de la solidarité collective (qu’il s’agisse de l’assurance sociale, ou des règles de protection du travail et de l’emploi), où l’instance qui contrôle le travail assume également le risque économique et la responsabilité de la protection (Supiot, 2004, p. 70). Or dans ces nouvelles configurations, il est fréquent que les travailleurs, qu’ils soient salariés ou indépendants, subissent les effets du contrôle, tout en assumant individuellement les risques. S’opèrent, dès lors, toute une série de brouillages qui posent des défis particuliers tant à la formalisation théorique qu’aux dispositifs juridiques et sociaux visant à assurer la protection sociale et la représentation des travailleurs et qui interrogent les conditions même de l’action collective :

Brouillage des frontières entre salariat et travail indépendant (Supiot, 1999) et multiplication de zones « hybrides » de mobilisation du travail (Dupuy et Larré, 1998; Morin, 1999), et de situations « d’autonomie contrôlée », une expression proposée par Appay (1993) et reprise par Morin (2005) pour décrire les situations « où les sujétions passent moins par la dépendance économique exclusive d’un sous-traitant vis-à-vis de son donneur d’ordre que par des exigences de qualité, de délai, de formation, etc., qui peuvent avoir des conséquences très directes sur les conditions de travail, sans que le donneur d’ordre n’ait à assumer une quelconque responsabilité » (Morin, 2005, p. 12-13).

Brouillage des frontières entre le travail rémunéré, exercé dans la sphère publique, et le travail gratuit, exercé dans la sphère privée —visible, notamment, dans le travail de garde d’enfants ou de soins à domicile de personnes vulnérables (Taylor, 2004) — et multiplication de zones hybrides construites par des processus d’invisibilisation du travail (Krinsky et Simonet, 2012), comme en font foi notamment les pratiques de « crowdsourcing » (Bergvall-Kåreborn, 2014) échappant pour l’heure à toute forme de régulation étatique.

Brouillage des frontières entre le temps du travail et le temps personnel, découlant des stratégies de mobilisation du travail en « juste-à-temps » suivant les besoins des organisations et exigeant des travailleurs qu’ils soient disponibles au-delà de leur temps de travail. Facilité par les nouvelles technologies, ce « travail à la demande », qui affecte tous les travailleurs, ne fait-il pas en sorte que leur sujétion outrepasse désormais le cadre temporel de la durée du travail et le cadre spatial d’un lieu de travail ?

Brouillage, enfin, des frontières entre le travail formel et le travail informel (Lesemann, 2015; De la Garza, 2015), de plus en plus ténues à mesure qu’on décentre le focus de l’analyse, traditionnellement pensé depuis les pays occidentaux, pour embrasser les continents latino-américain, africain et asiatique. Où commence et où s’arrête l’informalité lorsqu’un travailleur peut ne pas être déclaré alors qu’il accomplit les mêmes tâches qu’un autre dont le statut est régularisé, ou lorsqu’un travailleur n’est officiellement salarié de l’entreprise que pour une part de son temps de travail au cours d’une semaine ?

Dans ce numéro, il s’agira d’explorer ces « nouvelles » frontières de la relation d’emploi. En réponse aux critiques émises à l’endroit des courants de recherche mettant trop exclusivement l’accent sur les emplois dits atypiques, ayant pour effet d’occulter le fait que les transformations du travail « déstabilisent des stables » (Castel, 2009) ou étendent la précarité et le risque aux emplois typiques (Vosko, 2007), il s’agira d’étudier les caractéristiques associées aux diverses figures de la relation d’emploi, mais aussi les incidences de la cohabitation de travailleurs ayant des statuts et/ou des employeurs ou donneurs d’ordre différents dans des situations concrètes de travail.

Trois angles d’approches seront privilégiés pour ce numéro spécial :

1) Comment est-il possible de conceptualiser les frontières de la relation d’emploi, à partir de quelles approches théoriques, de quelles dimensions analytiques ?

2) Comment peut-on analyser les innovations institutionnelles visant à protéger les travailleurs qui sont hors de la relation salariale classique (en particulier à assurer leur représentation collective, mais aussi, en Amérique du Nord, leur protection sociale) : élargissement de la définition d’employé, modification des critères définissant ce statut ou assimilation au salariat de certaines catégories de travailleurs hybrides; régimes particuliers visant des travailleurs juridiquement indépendants; statuts intermédiaires entre salariat et indépendance; mécanismes d’extension des conditions négociées; modalités visant l’intégration des employés des sous-traitants dans la définition de la communauté de travail, négociation collective à l’échelle du réseau (firmes sous-traitantes, firmes partenaires). Quelles sont les avancées et les limites de ces innovations institutionnelles ? Quels types d’acteurs y prennent part ? Quelles avancées sur une base comparative avec ce que permettait d’obtenir la négociation en vertu des régimes généraux ?

3) Dans quelle mesure les nouvelles frontières de la relation d’emploi peuvent-elles modeler de nouvelles formes de résistance et d’action collective ? Peut-on sortir d’une lecture « consistant à présenter les changements dans la morphologie du salariat [et des relations d’emploi] comme explication suffisante des freins à la syndicalisation » (Fribourg, 2003) ? Autrement dit, ce « précariat » (Standing, 2011) œuvrant dans les interstices des relations d’emploi instituées dans la « société salariale » peut-il lui-même devenir un agent de changement ? Inversement, ce brouillage des frontières en vient-il plutôt à déborder du cadre du travail et à mettre à mal la notion même de citoyenneté (Breman, 2012) ?

Échéancier :

-réception des articles et décision de soumettre au processus d’évaluation par les pairs : 15 mars 2016.

-retour aux auteurs après le processus d’évaluation : 1er septembre 2016

-production de la version révisée : 1er février 2017

-parution du numéro spécial : 1er septembre 2017

Critères de sélection de la revue :

Les critères classiquement considérés par la revue sont :

-l’originalité de la problématique ;

-la prise en compte d’éléments de la littérature récente (et en quoi l’article contribue à l’avancement des connaissances) ;

-un cadre théorique ou analytique explicite ;

-une méthodologie (de collecte et d’analyse des données) clairement exposée ;

-des résultats orignaux présentés, analysés et discutés.

La longueur des articles se situera entre 7000 et 8000 mots incluant le texte, les tableaux et figures, les notes et les références.

Pour plus de détails, notamment sur les normes bibliographiques, consultez le site : http://www.riir.ulaval.ca/regles.asp?var=FR.

La Revue publie, dans chaque numéro, la moitié de ses articles en anglais et l’autre en français. Chaque article doit être accompagné d’un précis de 125 mots dans la même langue que l’article, ainsi que d’un résumé (de 300 mots environ) dans les deux langues.

Les textes doivent être envoyés à [email protected]

 

Recent Posts
Contact Us

We're not available right now. But you can send us an email and we'll respond as soon as possible.

Start typing and press Enter to search